L'arbitrage conventionnel au Québec
Par Frédéric Bachand
I. Principes fondamentaux
A. Nature et contours de l'arbitrage coventionnel
Dell Computer Corp c. Union des consommateurs (Cour suprême du Canada, 2007): l'arbitrage est une institution juridique sans for et sans assise géographique; l'art. 940.6 confère à la Loi type une grande valeur interprétative en matière d'arbitrage international.
Condominiums Mont St-Sauveur Inc. c. Constructions Serge Sauvé Ltée (Cour d'appel du Québec, 1990): un tribunal arbitral est une juridiction privée, détachée de l'ordre judiciaire étatique.
Laurentienne-vie (La), compagnie d'assurance Inc. c. Empire (L'), compagnie d'assurance-vie (Cour d'appel du Québec, 2000): le recours à l'arbitrage est un droit fondamental et une forme d'expression de la liberté contractuelle des justiciables.
Sport Maska Inc. v. Zittrer (Cour suprême du Canada, 1988): notion d'arbitrage et distinction entre arbitrage et expertise.
Conseil d'arbitrage des comptes des avocats du Barreau du Québec c. Marquis (Cour d'appel du Québec, 2011): l'arbitrage de comptes prévu à l'article 88 du Code des professions est un arbitrage conventionnel et non un arbitrage statutaire.
Construction Réal Landry inc. c. Rae (Cour d'appel du Québec, 2011): une sentence arbitrale rendue par un tribunal constitué en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs peut être annulée si elle est entachée d'une erreur déraisonnable au sens de l'arrêt Dunsmuir.
Turgeon c. Groupe Platinum Construction 2011 Inc. (Cour supérieure du Québec, 2012): dans un jugement concluant qu'un tribunal constitué en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est un tribunal arbitral conventionnel, la Cour refuse d'homologuer une sentence au motif que le tribunal avait perdu compétence après le désistement de la partie demanderesse.
B. Sources et principes d'interprétation
Condominiums Mont St-Sauveur Inc. c. Constructions Serge Sauvé Ltée (Cour d'appel du Québec, 1990): la réforme de 1986 a métamorphosé le droit québécois de l'arbitrage conventionnel.
Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc. (Cour suprême du Canada, 2003): l'interprétation des règles québécoises relatives à l'arbitrage conventionnel doit tenir compte du désir Législateur d'en favoriser le développement.
Coderre c. Coderre (Cour d'appel du Québec, 1980):on peut avoir recours à la Loi type de la CNUDCI sur l'arbitrage commercial international en interprétant les dispositions du Code de procédure civile, et ce même dans un contexte purement interne.
Rhéaume c. Société d'investissements L'Excellence Inc. (Cour d'appel du Québec, 2010): prise en considération de sources internationales et étrangères dans le cadre d'un arbitrage interne.
GreCon Dimter Inc. c. J.R. Normand Inc. (Cour suprême du Canada, 2005): l'interprétation du droit québécois de l'arbitrage conventionnel "doit nécessairement s'harmoniser" avec la Convention de New York et la jurisprudence étrangère l'interprétant.
Holding Tusculum B.V. v. S.A. Louis Dreyfus & Cie (Cour supérieure du Québec, 2006): dans le cadre d'une demande d'annulation d'une sentence internationale, la Cour juge admissibles des rapports d'expertise portant sur le droit international de l'arbitrage et sur certains usages en matière d'arbitrage international.
C. Fédéralisme
Compania Maritima Villa Niva S.A. v. Northern Sales Co. (Cour d'appel du Québec, 1991): étendue de la compétence législative du Parlement fédéral en matière d'arbitrage conventionnel.
II. Convention d'arbitrage
A. Validité au plan contractuel
Zodiak International Productions v. Polish People's Republic (Cour suprême du Canada, 1983): la clause compromissoire est valide en droit québécois, pourvu qu'elle soit constatée par écrit et qu'elle mentionne explicitement l'obligation incombant aux parties de recourir à un arbitrage obligatoire et final.
Investissement Charlevoix inc. c. Gestion Pierre Gingras inc. (Cour d'appel du Québec, 2010): une clause compromissoire qui ne mentionne pas expressément le caractère final et obligatoire de la sentence peut néanmoins être "parfaite".
Achilles (USA) c. Plastics Dura Plastics (1977) Ltée/Ltd. (Cour d'appel du Québec, 2006): saisie d'une exception d'arbitrage soulevée dans le cadre d'un litige commercial international, la Cour d'appel conclut qu'il n'y a pas lieu d'appliquer à une clause compromissoire contenue dans les conditions générales d'un contrat de vente conclu à distance des règles plus exigeantes en matière de connaissance et de ratification que celles applicables aux autres clauses du contrat; "en vertu du droit québécois, aucun formalisme particulier n'est requis pour établir l'existence d'un consentement à une clause compromissoire par opposition à un autre type de contrat".
9110-9595 Québec Inc. c. Bergeron (Cour d'appel du Québec, 2007): la Cour juge nulle une clause compromissoire insérée dans un contrat d'adhésion et référant à un règlement d'arbitrage n'ayant pas été porté à la connaissance de l'adhérant lors de la conclusion du contrat.
Dell Computer Corp c. Union des consommateurs (Cour suprême du Canada, 2007): la clause d'arbitrage insérée dans les conditions de vente se trouvant sur le site web de Dell fait partie des contrats conclus par les consommateurs, et ce même si seulement un hyperlien renvoyant à des conditions de vente – et non leur texte intégral – fut porté à l'attention des consommateurs lors de la soumission de leurs commandes.
B. Arbitrabilité des litiges
Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc. (Cour suprême du Canada, 2003): les limites à l'arbitrabilité des litiges sont peu nombreuses et une disposition législative ne mentionnant pas expressément l'inarbitrabilité ne doit pas être interprétée comme restreignant le droit des justiciables de recourir à l'arbitrage; le champ d'application de la convention d'arbitrage et l'étendue de la mission des arbitres doivent être interprétés de manière large et libérale.
Dell Computer Corp c. Union des consommateurs (Cour suprême du Canada, 2007): l'art. 3149 du Code civil du Québec n'a aucune incidence sur l'efficacité de la clause d'arbitrage lorsque la situation juridique des parties ne présente aucun élément d'extranéité; en l'absence d'une disposition législative prévoyant clairement le contraire, l'effet des clauses d'arbitrage insérées dans les contrats de consommation est identique à celui des autres clauses d'arbitrage; en l'absence d'une disposition législative prévoyant clairement le contraire, le droit d'intenter un recours collectif n'est pas d'ordre public et peut donc faire l'objet d'une renonciation, y compris par le biais d'une clause compromissoire; l'Art. 11.1 de la Loi sur la protection du consommateur, qui prohibe toute stipulation obligeant un consommateur à renvoyer un différend à l'arbitrage, n'a pas effet rétroactif.
Acier Leroux c. Tremblay (Cour d'appel du Québec, 2004): un recours en cas d'abus fondé sur l'Art. 241 de la Loi canadienne des sociétés par actions est arbitrable.
Investissement Charlevoix inc. c. Gestion Pierre Gingras inc. (Cour d'appel du Québec, 2010): un recours en liquidation judiciaire d'une compagnie est inarbitrable, non pas parce qu'il touche à des questions qui intéressent l'ordre public au sens de l'art. 2639 du Code civil du Québec, mais plutôt parce que la compétence octroyée à la Cour supérieure par la Loi sur la liquidation des compagnies est exclusive.
Dans l'affaire de la faillite de: Experts en traitement de l'information (E.T.I.) Montréal Inc. (Cour d'appel du Québec, 2005): l'Art. 183(1.1) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et le principe s'opposant à l'éparpillement du contentieux se rapportant à la faillite n'affectent pas l'efficacité d'une clause compromissoire contenue dans un contrat conclu par le syndic de la faillite.
Carboni c. Financière Banque nationale (Cour supérieure du Québec, 2004): les litiges relatifs à la Loi sur les valeurs mobilières sont arbitrables.
Le Guillou c. Filiatrault (Cour supérieure du Québec, 2007): l'Art. 11.1 de la Loi sur la protection du consommateur n'est pas applicable à une situation juridique entièrement survenue avant son entrée en vigueur.
H.A. Grétry Inc. c. 9065-3627 Québec Inc. (Cour d'appel du Québec, 2009): l'annulation d'un acte notarié par la procédure d'inscription de faux est une question qui "intéresse l'ordre public" au sens de l'art. 2639 du Code civil du Québec et qui est donc inarbitrable.
C. Exception d'arbitrage (renvoi d'une action en justice à l'arbitrage)
Dell Computer Corp c. Union des consommateurs (Cour suprême du Canada, 2007): puisque les objections à la compétence doivent généralement être tranchées en premier lieu par le tribunal arbitral, un juge saisi d'une requête recherchant le renvoi d'une action à l'arbitrage doit normalement refuser d'analyser l'efficacité de la convention d'arbitrage.
GreCon Dimter Inc. c. J.R. Normand Inc. (Cour suprême du Canada, 2005): la Cour suprême renverse l'arrêt Guns N' Roses et confirme l'obligatoriété d'une convention d'arbitrage invoquée à l'encontre d'un appel en garantie.
Dominion Bridge c. Knai (Cour d'appel du Québec, 2007): une partie peut renoncer implicitement à la convention d'arbitrage par les actes qu'elle accomplit dans le cadre d'une instance judiciaire.
Poupart c. Société Nationale Compagnie d'assurance (Cour d'appel du Québec, 2006): confirmant le renvoi d'une action à l'arbitrage, la Cour conclut qu'en prenant part à l'instance arbitrale, le demandeur avait renoncé à invoquer la nullité de la clause compromissoire au motif qu'il s'agirait d'une clause externe (l'art. 1435 du Code civil du Québec) et/ou qu'elle serait abusive (l'art. 1437 du Code civil du Québec).
Corporation Inno-Centre du Québec c. Média Opti Rythmix (Cour du Québec, 2012): une partie défenderesse peut s'appuyer sur une clause de med-arb afin de demander le renvoi d'une action à l'arbitrage malgré le fait qu'aucune médiation n'a eu lieu entre les parties.
D. Interprétation de la convention d'arbitrage
Laurentienne-vie (La), compagnie d'assurance Inc. c. Empire (L'), compagnie d'assurance-vie (Cour d'appel du Québec, 2000): une convention d'arbitrage doit être interprétée de manière large et libérale.
Purkinje c. Famic Technologies Inc. (Cour d'appel du Québec, 2009): en confirmant un jugement de la Cour supérieure rejetant une requête en annulation d'une sentence arbitrale, la Cour d'appel rend un arrêt très favorable à l'autonomie de l'arbitrage et qui réitère notamment que l'étendue de la convention d'arbitrage doit être appréciée de manière libérale.
E. Transmission de la convention d'arbitrage
PS Here, LLC c. Fortalis Anstalt (Cour d'appel du Québec, 2009): la clause compromissoire est l'accessoire de la créance, de sorte qu'elle est en principe applicable au cessionnaire de la créance.
F. Effet de la convention d'arbitrage dans un contexte mulitpartite
Concordia Project Management Ltd. c. Décarel Inc. (Cour d'appel du Québec, 1996): dans certaines circonstances, les actionnaires et dirigeants de la compagnie liée par la convention d'arbitrage peuvent eux aussi être renvoyés à l'arbitrage.
Société de cogénération de St-Félicien, société en commandite/St-Felicien Cogeneration Limited Partnership c. Industries Falmec Inc. (Cour d'appel du Québec, 2005): la Cour d'appel réitère que les juges disposent d'un pouvoir discrétionnaire leur permettant de refuser de donner effet à une clause compromissoire invoquée dans un contexte mutlipartite, ou encore d'en étendre le domaine d'application.
III. Tribunal arbitral
Desbois c. Industries A.C. Davie Inc. (Cour d'appel du Québec, 1990): les exigences d'indépendance et d'impartialité imposées à tous les arbitres sont d'ordre public.
Zittrer c. Sport Maska Inc. (Cour d'appel du Québec, 1985): comme le juge, l'arbitre ne peut être tenu responsable au plan civil des conséquences des actes qu'ils a posés dans l'exercice de ses fonctions, sauf s'ils ne relevaient pas de sa compétence et s'ils ont été commis de mauvaise foi.
IV. Procédure arbitrale
Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc. (Cour suprême du Canada, 2003): les parties peuvent convenir à l'avance d'une procédure arbitrale excluant toute preuve testimoniale.
Purkinje c. Famic Technologies Inc. (Cour d'appel du Québec, 2009): en confirmant un jugement de la Cour supérieure rejetant une requête en annulation d'une sentence arbitrale, la Cour d'appel rend un arrêt très favorable à l'autonomie de l'arbitrage et qui confirme que la détermination de la conduite de la preuve et de la procédure relève des parties et de la compétence des arbitres.
Compagnie Nationale Air France c. MBaye (Cour d'appel du Québec, 2003): en choisissant d'assujettir la procédure arbitrale à un règlement d'arbitrage, les parties rendent inapplicables toutes les dispositions supplétives du Titre 1 du Livre VII du Code de procédure civile, c.-à-d. toutes celles qui ne sont pas énumérées à l'art. 940.
Rhéaume c. Société d'investissements L'Excellence Inc. (Cour d'appel du Québec, 2010): portée de l'obligation incombant aux arbitres d'assurer la confidentialité du délibéré; absence d'une obligation inhérente de confidentialité rattachée au processus arbitral.
Nearctic Nickel Mines Inc. c. Canadian Royalties Inc. (Cour d'appel du Québec, 2012): un tribunal arbitral peut rendre des ordonnances d’exécution en nature ne constituant pas des injonctions; un tribunal arbitral peut accorder des mesures provisionnelles même lorsque les parties même lorsque la convention d’arbitrage est silencieuse sur ce point.
Lachapelle Pontiac Buick GMC ltée c. General Motors du Canada ltée (Cour supérieure du Québec, 2010): la Cour refuse de donner effet à une clause d'arbitrage PAVAC après avoir notamment conclu qu'un tribunal arbitral conventionnel n'a pas le pouvoir d'octroyer des injonctions.
Dubois & Frères ltée c. General Motors du Canada ltée (Cour supérieure duu Québec, 2010): la Cour accueille une exception d'arbitrage et conclut que le tribunal arbitral a le pouvoir de rendre des injonctions interlocutoires puisque le contrat liant les parties le prévoit expressément; ce pouvoir est exclusif, les parties ayant renoncé l'intervention de la Cour prévue à l'art. 940.4 du Code de procédure civile.
V. L'intervention judiciaire avant et durant l'arbitrage
Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc. (Cour suprême du Canada, 2003): un tribunal arbitral conventionnel n'est pas assujetti au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure du Québec.
Compagnie Nationale Air France c. MBaye (Cour d'appel du Québec, 2003): les tribunaux judiciaires ne peuvent intervenir durant le déroulement d'un arbitrage que dans les cas prévus au Titre 1 du Livre VII du Code de procédure civile.
Microtec Sécuri-T Inc. c. Centre d'arbitrage commercial national et international du Québec (Cour d'appel du Québec, 2003): les décisions rendues par une institution d'arbitrage ne peuvent faire l'objet d'un recours devant les tribunaux judiciaires durant le déroulement d'un arbitrage.
Dens Tech – Dens KG c. Netdent-Technologies Inc. (Cour d'appel du Québec, 2008): dans une affaire d'arbitrage commercial international, la Cour d'appel accueille une requête en irrecevabilité présentée à l'encontre d'une requête pour jugement déclaratoire visant à faire déclarer nul un avis d'arbitrage.
Endorecherche inc. c. Université Laval (Cour supérieure du Québec, 2010): dans un arrêt où elle réitère que l'intervention des tribunaux judiciaires durant le déroulement de l'arbitrage doit être limitée, la Cour d'appel laisse entendre qu'une ordonnance du tribunal arbitral relative à la communication de documents est une sentence arbitrale pouvant faire l'objet d'un recours en annulation.
Joli-Coeur c. Joli-Coeur Lacasse Avocats, s.e.n.c.r.l. (Cour d'appel du Québec, 2011): les mesures provisionnelles visées par l'art. 940.4 du Code de procédure civile comprennent non seulement les mesures prévues au Titre 1 du Livre V (séquestre judiciaire, saisie avant jugement et injonction), mais aussi l'ordonnance de sauvegarde pouvant être octroyée en vertu de l'art. 46.
Re/Max Platine inc. c. Groupe Sutton-Actuel inc. (Cour d'appel du Québec, 2008): l'art. 943.1 du Code de procédure civile permet à la Cour de réviser une décision dans laquelle un tribunal arbitral se déclare incompétent.
Lac d'amiante du Canada Ltée c. Lac d'amiante du Québec Ltée (Cour d'appel du Québec, 1999): un juge peut octroyer une injonction enjoignant à une partie de mettre fin à une procédure d'arbitrage qu'elle a engagée à l'étranger.
Jefagro Technologies inc. c. Vetagro, s.p.a. (Cour supérieure du Québec, 2012): dans une affaire découlant d’un litige commercial international, la Cour conclut qu’elle n’est pas compétente pour prononcer une injonction provisoire au soutien d’un arbitrage dont le siège est situé dans un ressort étranger.
VI. Amiable composition
Coderre c. Coderre (Cour d'appel du Québec, 1980):la Cour d'appel juge qu'un amiable compositeur doit respecter les dispositions du contrat dans lequel est insérée la clause compromissoire, à moins que les parties l'aient expressément autorisé à s'en écarter.
VII. Sentence arbitrale
A. Notion de sentence arbitrale
The Gazette c. Blondin (Cour d'appel du Québec, 2003): notion de sentence arbitrale et distinction entre sentence arbitrale et ordonnance de procédure, laquelle ne peut faire l'objet d'un recours en annulation.
Endorecherche inc. c. Université Laval (Cour supérieure du Québec, 2010): dans un arrêt où elle réitère que l'intervention des tribunaux judiciaires durant le déroulement de l'arbitrage doit être limitée, la Cour d'appel laisse entendre qu'une ordonnance du tribunal arbitral relative à la communication de documents est une sentence arbitrale pouvant faire l'objet d'un recours en annulation.
B. Objet du contrôle judiciaire de la sentence arbitrale
H.A. Gétry Inc. c. 9065-3627 Québec Inc. (Cour d'appel du Québec, 2009): l'homologation d'une sentence arbitrale vise son dispositif et non les motifs qu'elle renferme.
C. Interdiction de contrôler le bien-fondé de la sentence arbitrale
Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc. (Cour suprême du Canada, 2003): le contrôle judiciaire du bien-fondé d'une sentence arbitrale est en principe interdit.
The Gazette c. Blondin (Cour d'appel du Québec, 2003): interdiction pour le juge de contrôler le bien-fondé d'une sentence arbitrale; caractère exhaustif des motifs de contrôle judiciaire des sentences énoncés à l'art. 946.4 du Code de procédure civile).
Gingras c. Entreprises FGC Inc. (Cour d'appel du Québec, 2006): en refusant la permission d'en appeler d'un jugement de la Cour supérieure rejetant une requête en révision judiciaire d'une sentence arbitrale, la Cour précise que le fait qu'un tribunal arbitral commette une erreur manifestement déraisonnable dans l'application du droit ou de la jurisprudence ne constitue pas un motif d'annulation d'une sentence arbitrale.
D. Contrôle de la conformité de la sentence arbitrale aux stipulations du contrat
Nearctic Nickel Mines Inc. c. Canadian Royalties Inc. (Cour d'appel du Québec, 2012): La Cour d’appel laisse entendre qu’une sentence arbitrale peut être annulée si le tribunal a délibérément ignoré les stipulations du contrat, interprété ces stipulations de manière déraisonnable ou encore omis de respecter les règles relatives à l’interprétation des contrats.
E. Contrôle de la conformité de la sentence arbitrale à l'ordre public
Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc. (Cour suprême du Canada, 2003): une erreur d'interprétation ou d'application d'une règle substantielle d'ordre public ne rend pas nécessairement la sentence contraire à l'ordre public, elle ne le sera que si le résultat qu'elle consacre s'avère contraire à des règles substantielles d'ordre public.
Laurentienne-vie (La), compagnie d'assurance Inc. c. Empire (L'), compagnie d'assurance-vie (Cour d'appel du Québec, 2000): le fait que le tribunal arbitral se soit écarté de l'interprétation donnée par la Cour d'appel à des dispositions d'ordre public ne rend pas nécessairement sa sentence contraire à l'ordre public.
Smart Systems Technologies Inc. c. Domotique Secant Inc. (Cour d'appel du Québec, 2008): l'art. 950 du Code de procédure civile renvoie à l'ordre public tel qu'il est entendu dans les relations internationales; il serait contraire à cet ordre public d'homologuer au Québec une sentence qui, contrairement à l'intention exprimée par les parties, n'est pas motivée.
F. Contrôle du respect des règles de procédure arbitrale applicables
Rhéaume c. Société d'investissements L'Excellence Inc. (Cour d'appel du Québec, 2010): toute violation des règles de procédure applicables n'entraine pas nécessairement l'irrégularité de la sentence.
G. Jura Novit Curia
Superior Energy Management, a Division of Superior Plus Inc. c. Manson Insulation Inc, (Cour supérieure du Québec, 2011): un tribunal arbitral -- étant maître du droit -- peut trancher le litige en s'appuyant sur un raisonnement juridique différent de celui invoqué par les parties, dans la mesure où ce raisonnement est compatible avec les preuves versées au dossier.
H. Motivation de la sentence
Superior Energy Management, a Division of Superior Plus Inc. c. Manson Insulation Inc, (Cour supérieure du Québec, 2003): le tribunal arbitral n'est pas obligé de discuter dans sa sentence de chaque élément de preuve; il n'est pas non plus obligé de discuter dans sa sentence de tous les arguments avancés par les parties.
I. Autres aspects procéduraux du contrôle judiciaire de la sentence
Smart Systems Technologies Inc. c. Domotique Secant Inc. (Cour d'appel du Québec, 2008): une partie peut s'opposer à une demande d'homologation présentée au Québec même si elle a omis de contester la légalité de la sentence devant les tribunaux judiciaires du siège de l'arbitrage.
Turenne c. Carignan (Cour du Québec, 2012): une partie qui ne demande pas l’annulation d’une sentence arbitrale à l’intérieur du délai de rigueur de trois mois prévu à l’art. 947.4 du Code de procédure civile ne peut subséquemment invoquer l’article 946.4 afin de s’opposer à une demande d’homologation de cette même sentence.
Compagnie d'assurance Standard Life c. Fagan (Cour d'appel du Québec, 2004): (un désistement d'appel est survenu après que la Cour suprême du Canada ait accordé la permission d'appel) puisqu'il importe d'assurer le caractère final des sentences arbitrales, le délai de 3 mois dans lequel doit être présentée une demande d'annulation d'une sentence arbitrale est de rigueur.
Transport Michel Vaillancourt inc. c. Cormier (Cour supérieure du Québec, 2006): la prescription applicable à une demande d'homologation d'une sentence arbitrale est de dix ans.
Les Viandes du Breton Inc. c. Ville de Notre-Dame-du-Lac (Cour d'appel du Québec, 2006); Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP), section locale 145 c. Gazette (The), une division de Southam Inc. (La cour d'appel du Québec, 2006): un autorisation est toujours requise afin de porter en appel (i) un jugement sur une requête recherchant l'homologation d'une sentence arbitrale, ou (ii) un jugement sur une requête recherchant l'annulation d'une sentence arbitrale comportant des condamnations ou des déterminations de droit, car ce sont des jugements rendus en matière d'exécution au sens du paragraphe (3) du second alinéa de l'art. 26 du Code de procédure civile; un jugement statuant sur une requête en annulation d'une sentence arbitrale ayant rejeté la réclamation – et qui ne comporte donc ni condamnation ni détermination de droits – est un jugement final au sens de l'art. 26 du Code de procédure civile; il est donc appelable de plein droit si la valeur de l'objet du litige soumis au tribunal arbitral est d'au moins 50,000$.