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Maîtriser les protéines en révolte

Les programmes informatiques : de nouveaux alliés pour la mise au point de médicaments plus efficaces contre le diabète et d’autres maladies

Publié: 29 September 2015

Comme une pelote de laine avec laquelle s’est amusé un chat, les protéines peuvent s’emmêler. D’importantes modifications du matériel génétique peuvent en effet se traduire par une désorganisation de la structure des protéines. À la suite de mutations survenant dans certains acides aminés qui forment les protéines, de longs brins de protéines se replient parfois sur eux-mêmes et refusent de se séparer. Ces brins, appelés fibrilles amyloïdes, peuvent se révéler extrêmement toxiques et sont généralement nuisibles. Ils s’attachent aux organes, comme le cerveau et le pancréas, et les empêchent de fonctionner comme ils le devraient. Ils sont à l’origine d’affections qui semblent très différentes, comme le diabète et la maladie d’Alzheimer, pour n’en nommer que deux. Pour mettre au point des médicaments qui peuvent traiter efficacement ces maladies en dissolvant ces fibrilles, les biochimistes doivent généralement s’engager dans le processus à la fois long et coûteux d’une série d’essais et erreurs.

Des milliards de possibilités

Des chercheurs de l’Université McGill dirigés par le professeur Jérôme Waldispühl, de l’École d’informatique, ont créé une suite de programmes informatiques susceptibles d’accélérer le processus de mise au point de médicaments pour ce type de maladies. Ces programmes sont conçus pour passer en revue les fibrilles (ou protéines mal repliées) afin de trouver leurs points faibles. L’objectif d’une telle analyse est de concevoir des mutations génétiques utiles pour dissoudre les liens qui retiennent les fibrilles ensemble – un peu comme si on cherchait le brin de laine sur lequel il faut tirer pour démêler toute la pelote. Il s’agit généralement d’une tâche colossale, car pour trouver des mutations qui pourraient se révéler utiles dans la mise au point de médicaments, les chercheurs doivent explorer des millions de combinaisons structurales dans le matériel génétique.



Toutefois, cette même tâche est à la portée du Fibrilizer – nom donné par McGill à ses outils informatiques qui évoque la puissance surhumaine qui les caractérise. « En l’espace d’une semaine, l’utilisation de nos programmes et d’un superordinateur nous a permis d’analyser des milliards de façons d’affaiblir les liens au sein de ces brins de protéines toxiques. Nous avons restreint notre champ d’analyse à quelque 30 à 50 possibilités », explique Mohamed Smaoui, boursier postdoctoral à McGill et auteur principal de trois articles publiés récemment au sujet de cette étude. « Les biochimistes passent généralement des mois, voire des années, à chercher ces mutations prometteuses. »

Superordinateur à la rescousse

Les chercheurs ont testé leur programme sur un médicament que les scientifiques tentent d’améliorer depuis une vingtaine d’années. Administré aux patients diabétiques pour accroître l’efficacité de l’insuline, ce composé est commercialisé sous le nom de Symlin. Fabriqué à partir d’une version de la protéine amyline, ce composé synthétique est toxique pour le pancréas lorsqu’il est utilisé à long terme, car il entraîne la formation de fibrilles amyloïdes. L’équipe de McGill a eu recours au Fibrilizer afin de trouver un nombre restreint de modifications génétiques susceptibles de réduire la toxicité de ce médicament.

Selon Jérôme Waldispühl, ce type de recherche informatique jouera un rôle de plus en plus important dans la découverte de médicaments au cours des années à venir. « Les ordinateurs transforment la façon dont les médicaments sont mis au point », affirme le professeur Waldispühl. « La recherche sur les substances amyloïdes s’est accélérée au cours des 10 dernières années. Elle pourrait toutefois se révéler la clé de la découverte de médicaments plus efficaces pour le traitement de nombreuses maladies systémiques et neurodégénératives, comme l’arthrite et le Parkinson. Sans superordinateurs et programmes comme le nôtre, cette recherche serait extrêmement longue et couteuse à faire.»

 

 

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