Introduction

À la fin de l’après-midi du 10 novembre 2011, un groupe de quatorze personnes (les « occupants » ou les « occupants du cinquième étage ») a pénétré dans une zone d’accès réservé au cinquième étage du pavillon administratif James de l’Université McGill (« McGill » ou « l’Université »). Le bureau de la principale Heather Munroe-Blum est situé dans cette zone, et le groupe avait l’intention de l’occuper. Dans les huit minutes suivant leur irruption, les occupants ont été évacués de la zone d’accès réservé, dont deux par la force, et dirigés vers l’aire de réception du cinquième étage du pavillon James.  

Toujours à la fin de l’après-midi du 10 novembre 2011, pendant que ces événements se déroulaient au cinquième étage, une foule s’est rassemblée devant le pavillon James et alentour. La foule rassemblée à l’extérieur du pavillon James ainsi que l’ampleur de la manifestation ont augmenté sur une période d’une heure. Quelques manifestants ont réussi à pénétrer dans l’immeuble et ont occupé une zone du deuxième étage. Puis, le Groupe d’intervention de la police de Montréal (communément appelé « escouade antiémeute ») a dispersé la foule par la force. Les occupants des deuxième et cinquième étages du pavillon James ont fini par quitter les lieux indemnes, après de brèves négociations avec les autorités de McGill.

La principale Munroe-Blum m’a chargé de mener une enquête sur ces événements. Ma tâche consistait à établir les faits, à fournir un compte rendu exact de la succession des événements et à formuler des recommandations afin d’éviter qu’ils ne se reproduisent. Les paramètres du mandat étaient décrits dans une lettre datée du 11 novembre 2011 qui m’était adressée. Cette lettre est jointe au présent rapport, de même qu’une déclaration expliquant la manière dont j’entendais procéder, que j’ai transmise par courriel à la communauté de McGill et communiquée au Sénat de McGill le 16 novembre.

Le présent rapport constitue le fruit de mon enquête.

La portée de l’enquête n’englobait pas (et n’aurait pu englober) le pouvoir de contraindre des personnes à témoigner ou la production de documents. Néanmoins, les membres de la communauté ont acquiescé de bonne grâce à ma demande d’exposés des faits et de comptes rendus factuels. Au cours du dernier mois, j’ai consacré plus de quarante-cinq heures à des entrevues avec des étudiants (y compris, mais non de façon limitative, cinq des « occupants du cinquième étage »), des professeurs, des administrateurs, des membres du personnel, des anciens étudiants et des membres du Service de sécurité. J’ai reçu et lu près de cent cinquante comptes rendus écrits. J’ai consulté les comptes rendus factuels publiés dans le domaine public, y compris des entrevues et des témoignages fournis dans le cadre d’une enquête étudiante indépendante, menée parallèlement à la mienne. J’ai visionné des heures d’enregistrements vidéo provenant des caméras de surveillance placées à l’intérieur et autour du pavillon James, ainsi que des enregistrements et des photos provenant de téléphones cellulaires et d’appareils photo appartenant à des étudiants et à des membres du personnel. J’ai aussi regardé un grand nombre de vidéos des événements diffusées sur YouTube et sur d’autres sites Web. J’ai écouté la bande sonore des communications du personnel du Service de sécurité au cours de la période pertinente du 10 novembre. J’ai passé en revue les politiques et les protocoles de McGill relativement aux situations d’urgence et j’ai parlé à des représentants de la police de Montréal, ainsi qu’aux responsables de la sécurité d’autres universités établies au centre-ville.

J’ai préservé et continuerai à préserver la confidentialité de tous les témoignages. Le contenu de tous les témoignages que j’ai reçus, par voie électronique ou en version papier, n’a pas été publié et ne le sera pas, et il ne sera pas diffusé ou communiqué à quelqu’un d’autre que moi, mon conseiller juridique ou mes deux adjoints. Je saisis l’occasion d’exprimer ma profonde gratitude à Mmes Kate Glover et Dia Dabby, toutes deux doctorantes à la Faculté de droit, qui m’ont aidé avec le plus grand soin et diligence, tout au long de l’enquête et de la rédaction du présent rapport.

Le but de cette enquête n’était pas de remplacer d’autres processus établis, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Université. Le processus que j’ai suivi n’était pas structuré de façon à satisfaire aux garanties de base de l’équité procédurale pour les personnes dont la conduite pourrait faire l’objet d’un examen approfondi; par conséquent, j’ai veillé à ne pas imputer de blâme à qui que ce soit et à ne pas affirmer que des actes répréhensibles ont été commis.

La première partie du rapport présente de l’information de base. J’y fournis une brève description du contexte dans lequel les événements du 10 novembre se sont déroulés (le phénomène très répandu de l’occupation d’un lieu public en milieu urbain, la manifestation étudiante concomitante qui avait trait à l’augmentation prochaine des droits de scolarité, la grève des membres de MUNACA à McGill et le climat général de gouvernance à McGill). Elle est suivie d’une description générale des lieux physiques où les événements du 10 novembre se sont produits et de la structure du Service de sécurité de McGill. La deuxième partie présente la chronologie des événements du 10 novembre, qui repose sur des renseignements recueillis auprès des sources auxquelles j’ai eu accès. La troisième partie contient des recommandations découlant des faits cités dans le compte rendu factuel. Et la quatrième partie présente un résumé de ces recommandations.

Dans le présent rapport, les opinions émises sont uniquement les miennes, et je ne vise qu’à servir l’Université dans son ensemble. Je suis professeur et doyen à McGill et, en ce sens, mon enquête n’est ni plus ni moins indépendante que si elle avait été menée par tout autre membre de la communauté de McGill. L’enquête était indépendante en ce sens qu’elle a été menée sans lien avec qui que ce soit dans la communauté de McGill. J’ose espérer que le contenu du présent rapport démontrera que j’ai abordé l’enquête sans parti pris, la vérité étant mon seul objectif.

 

Le doyen de la Faculté de droit,
Daniel Jutras
Le 15 décembre 2011

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