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Mystérieux sursauts radio d’origine cosmique : la source se précise

La succession de sursauts radio rapides provient d’une lointaine galaxie naine
Publié: 3 January 2017

Pour la première fois, des astronomes ont repéré la galaxie hôte d’un sursaut radio rapide (SRR). Les scientifiques disposent ainsi d’un élément de plus pour déterminer la cause de ces ondes radioélectriques puissantes, mais fugaces. Ces impulsions de quelques millisecondes seulement intriguent les astrophysiciens depuis leur découverte, il y a une dizaine d’années.

« Maintenant, nous savons qu’au moins un de ces SRR provenait d’une galaxie naine située à quelque trois milliards d’années-lumière de la Voie lactée », affirme Shriharsh Tendulkar, chercheur postdoctoral à l’Université McGill. En compagnie de collègues astronomes, il a présenté ces données aujourd’hui, lors du congrès de l’American Astronomical Society qui se tient à Grapevine, au Texas. Les résultats de ces travaux ont également été publiés dans la revue Nature et ont fait l’objet d’articles connexes dans The Astrophysical Journal Letters.

Jusqu’à maintenant, les astronomes n’étaient même pas arrivés à déterminer avec certitude si les SRR provenaient de la Voie lactée ou d’une autre galaxie. Or, bien qu’ils en ignorent toujours la cause exacte, ils savent aujourd’hui qu’une de ces puissantes impulsions émanait d’une lointaine galaxie naine, ce qui, en soi, représente « un pas de géant dans la compréhension de ces phénomènes », se réjouit Shami Chatterjee, de l’Université Cornell, lui aussi membre de l’équipe internationale à l’origine de cette récente découverte.

Des sursauts à répétition

On a répertorié à ce jour 18 SRR. Tous ont été détectés au moyen de radiotélescopes à une seule antenne ne permettant pas de situer la source des signaux avec assez de précision pour que d’autres observatoires puissent cerner le milieu hôte. Toutefois, un de ces SRR se distingue de tous les autres : découvert en novembre 2012 à l’observatoire d’Arecibo, à Porto Rico, il s’est répété de nombreuses fois. Cette succession de sursauts a été détectée pour la première fois à la fin de 2015 par Paul Scholz, doctorant à l’Université McGill.

Puisque l’objet – baptisé FRB 121102 en raison de la date du premier signal capté – émet des sursauts en série, les astronomes ont pu se livrer cette année à une observation soutenue au moyen du réseau radiotélescopique VLA Karl G. Jansky (VLA pour very large array, très grand réseau) de la National Science Foundation (NSF). Constitué de multiples antennes, ce réseau radiotélescopique possède un pouvoir de résolution suffisant pour permettre la localisation exacte d’un objet céleste. Au cours d’une campagne d’observation de 83 heures réparties sur six mois et réalisée en 2016, le réseau VLA a détecté neuf sursauts émanant de FRB 121102.

À partir de la position exacte définie à l’aide de ce réseau radiotélescopique, M. Tendulkar et d’autres chercheurs ont obtenu, au moyen du télescope Gemini North situé à Hawaii, une image révélant la présence d’une galaxie naine de faible luminosité là où se produisent les SRR. De plus, grâce aux données spectroscopiques provenant du télescope Gemini, les chercheurs ont pu évaluer à plus de trois milliards d’années-lumière la distance séparant la Terre de cette galaxie naine.

Une humble et modeste galaxie hôte

« Les SRR captés proviennent, semble-t-il, d’une humble et modeste galaxie dont la masse équivaut à moins de 1 pour 100 de la masse de notre Voie lactée », précise Shriharsh Tendulkar. « Cela a de quoi étonner. On s’attend normalement à ce que les SRR proviennent de vastes galaxies, soit celles qui possèdent le plus d’étoiles et d’étoiles à neutrons, ces résidus d’étoiles massives. Cette galaxie naine est moins riche en étoiles, mais ces dernières s’y forment rapidement, ce qui pourrait indiquer que les SRR émanent de jeunes étoiles à neutrons. Les galaxies naines sont le théâtre de deux autres types de phénomènes extrêmes fréquents : les sursauts gamma de longue durée et les supernovæ super lumineuses. La présente découverte pourrait laisser entrevoir un lien entre les SRR et ces deux types d’événements. »

Outre les signaux lumineux en provenance de FRB 121102, le réseau VLA a détecté, dans la même région, une source constante et persistante d’ondes radio plus faibles.

Afin de situer l’objet avec une précision encore plus grande, une équipe d’observateurs a eu recours aux multiples radiotélescopes des réseaux interférométriques à très longue base européen (EVN) et américain (réseau VLBA de la NSF) ainsi qu’au télescope William E. Gordon de l’observatoire d’Arecibo, faisant 1 000 pieds de diamètre.

« Ces observations d’une extrême précision ont révélé que la distance entre les sursauts et la source persistante était probablement d’au plus 100 années-lumière », souligne Jason Hessels, de l’Institut néerlandais de radioastronomie et de l’Université d’Amsterdam.

« À notre avis, soit les sursauts et la source d’émission continue sont un seul et même objet, soit il existe entre les deux une sorte de lien physique », explique Benito Marcote, du Joint Institute for VLBI ERIC (JIVE), situé à Dwingeloo, aux Pays-Bas.

Le radiotélescope CHIME à la rescousse

Selon les astronomes, les sources les plus probables des SRR sont soit une jeune étoile à neutrons – possiblement un magnétar doté d’un champ magnétique hyper puissant – entourée de matériel éjecté lors de l’explosion d’une supernova ou de matériel éjecté par un pulsar issu de l’explosion, soit un trou noir supermassif actif de la galaxie, les ondes radio provenant de jets de matériel issus du voisinage du trou noir.

« Le mystère des SRR est loin d’être élucidé », reconnaît Victoria Kaspi, professeure de physique à McGill et éminente scientifique membre de l’équipe internationale ayant mené ces nouvelles études. « Toutefois, nous venons de faire un grand pas en avant en repérant la galaxie hôte de cette succession de signaux. »

Le radiotélescope interférométrique CHIME (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment, expérience canadienne de cartographie de l’hydrogène), installé en Colombie-Britannique, pourrait nous fournir les réponses qui nous manquent, poursuit la Pre Kaspi. En balayant la moitié de la voûte céleste chaque jour, CHIME pourrait déceler quotidiennement des dizaines de SRR, précise-t-elle. « Lorsque nous comprendrons l’origine de ce phénomène, nous aurons en main une sonde novatrice et fort utile pour scruter l’Univers. »

Cette étude a été financée en partie par le Conseil national de recherches du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, l’Institut canadien de recherches avancées, la Chaire d’astrophysique et de cosmologie Lorne Trottier, le European Research Council et la National Science Foundation des États-Unis.

Tendulkar, S. P., et al. 2017, ApJL, 834, L7. http://iopscience.iop.org/article/10.3847/2041-8213/834/2/L7 

Marcote, B., et al. 2017, ApJL, 834, L8. http://iopscience.iop.org/article/10.3847/2041-8213/834/2/L8

Chatterjee, S. et al. 2017, Nature. http://dx.doi.org/10.1038/nature20797

PHOTO: McGill postdoctoral researcher Shriharsh Tendulkar at AAS press conference (Gemini Observatory/AURA/NSF/NRC | Peter Michaud)

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