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La douleur freine la libido chez la souris femelle

Ces résultats pourraient contribuer à l’étude de l’impact de la douleur sur la libido des humains

« Pas ce soir, chéri, j’ai mal à la tête ». On attribue généralement cette expression à la femme, suggérant que son désir sexuel est plus affecté par la douleur que l’homme.

Publié: 22 April 2014

Or, des chercheurs de l’Université McGill et de l’Université Concordia à Montréal ont étudié, sans doute pour la première fois, toutes espèces confondues, l’impact direct de la douleur sur le comportement sexuel de la souris. Leurs travaux, publiés dans le Journal of Neuroscience du 23 avril, montrent que la douleur inflammatoire chez la souris femelle en chaleur réduit considérablement sa motivation sexuelle – alors qu’elle n’a aucun effet chez la souris mâle.

« Des études antérieures nous ont permis de savoir que le contexte influe beaucoup plus sur le désir sexuel de la femme que sur celui de l’homme. Mais ce que nous ne savons pas, c’est si ce phénomène est lié à des facteurs biologiques ou à des facteurs socioculturels, comme l’éducation et l’influence des médias, affirme Jeffrey Mogil, professeur de psychologie à McGill et auteur-ressource de la nouvelle étude. Le fait que les souris femelles montrent, elles aussi, un désir sexuel inhibé par la douleur indique que ces effets chez l’humain pourraient également être liés à la biologie évolutive, et non pas seulement à des facteurs socioculturels. »

Aux fins de l’étude, les chercheurs ont placé des souris dans une chambre d’accouplement divisée par une cloison aménagée d’ouvertures trop petites pour que le mâle puisse s’y faufiler. De cette façon, la femelle pouvait décider de passer ou non du temps avec un partenaire mâle, et déterminer la durée de la visite. La souris femelle éprouvant de la douleur a passé moins de temps du « côté des mâles », entraînant une activité sexuelle plus faible. Les chercheurs ont constaté qu’il était possible de rehausser l’intérêt sexuel de la femelle à l’aide d’un analgésique (prégabaline), ou de l’un ou l’autre des deux médicaments connus pour stimuler le désir.

Les souris mâles se trouvaient dans une chambre sans cloison et avaient libre accès à une partenaire femelle en chaleur. La même douleur inflammatoire que celle induite chez les femelles n’affectait en rien leur comportement sexuel. Les chercheurs ont établi en outre que les deux sexes avaient la même perception de la douleur.

« Chez l’humain, la douleur chronique s’accompagne très souvent de problèmes d’ordre sexuel, affirme Yitzchak Binik, professeur de psychologie à l’Université McGill et directeur du Service de thérapie sexuelle et de couple du Centre universitaire de santé McGill. Cette recherche fournit aux scientifiques un modèle animal du désir sexuel inhibé par la douleur qui permettra d’étudier cet important symptôme lié à la douleur chronique. »

Melissa Farmer, aujourd’hui stagiaire postdoctorale à l’Université Northwestern, a mené cette étude alors qu’elle était doctorante à McGill, sous la direction du professeur Mogil, chercheur dans le domaine de la douleur, et du professeur Binik, spécialiste des troubles sexuels humains.

Le professeur James Pfaus, du Centre de recherche en neurobiologie comportementale de l’Université Concordia et expert du comportement sexuel chez les rongeurs, est également coauteur de cette étude. « Les différences entre les sexes sur le plan de la réactivité à la douleur fournissent de nouvelles pistes pour comprendre comment les réponses sexuelles s’organisent dans le cerveau, soutient le professeur Pfaus. En réalité, la tendance croissante de la médecine personnalisée exige que nous comprenions en quoi une affection spécifique et son traitement peuvent influencer l’activité sexuelle des femmes et des hommes. »

Ces travaux ont été soutenus par une bourse du Service national de recherche des Instituts nationaux de santé des États-Unis, par la Fondation Louise et Alan Edwards et par une bourse de recherche sur la douleur de Pfizer Canada.

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“Pain Reduces Sexual Motivation in Female But Not Male Mice”, Melissa A. Farmer et al. The Journal of Neuroscience, April 23, 2014.

 

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