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L’architecture génétique du cancer du rein

Des chercheurs établissent un lien entre l’hypernéphrome et l’exposition à l’acide aristolochique

Une nouvelle étude portant sur une vaste cohorte de patients atteints de cancer du rein en Europe a permis de faire la lumière sur l’architecture génétique de cette maladie ‒ et révèle l’existence d’un lien entre l’exposition à l’acide aristolochique et l’incidence du cancer du rein, particulièrement en Roumanie.

Publié: 29 October 2014
Cette étude réalisée par une équipe internationale dirigée par des scientifiques de l’Université McGill et du Centre d’innovation Génome Québec, à Montréal, souligne l’importance de déterminer les sources possibles d’exposition à l’acide aristolochique. On soupçonne également que ce composé, que l’on trouve dans les plantes du genre Aristolochia, peut causer une maladie rénale appelée néphropathie endémique des Balkans, qui touche les populations vivant le long des affluents du Danube en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Serbie, en Bulgarie et en Roumanie. L’aristoloche est une plante répandue dans les Balkans.

Les résultats de cette étude, axée principalement sur la forme la plus courante de cancer du rein – l’hypernéphrome – ont fait l’objet d’un article publié aujourd’hui (le 29 octobre 2014) dans la revue spécialisée Nature Communications.

Le cancer du rein représente 2,4 % de tous les cas de cancer chez l’adulte et entraîne plus de 140 000 décès chaque année. Les taux d’incidence de cette maladie augmentent rapidement, et c’est en Europe centrale qu’ils sont les plus élevés.

Les chercheurs ont réalisé le séquençage du génome entier de l’ADN isolé à partir d’échantillons de sang et de tissus tumoraux, ainsi que le séquençage de l’ARN à partir d’échantillons de tissus tumoraux et de tissus sains appariés prélevés chez 94 patients atteints de cancer du rein dans quatre pays : la République tchèque, la Roumanie, la Russie et le Royaume-Uni.

« Nous avons été particulièrement frappés de constater la fréquence élevée d’un certain type de mutation chez les patients roumains », affirme Yasser Riazalhosseini, professeur adjoint de génétique à l’Université McGill. « Le contexte séquentiel particulier de ces mutations et leur prédominance sur les brins d’ADN non transcrits nous ont permis de poser l’hypothèse selon laquelle la mutation est attribuable à l’exposition du patient à l’acide aristolochique au cours de sa vie. »

Le même schéma de mutation peut être observé chez des patients atteints d’un cancer des voies urinaires associé à la néphropathie endémique des Balkans. De nombreux scientifiques sont d’avis que cette affection est attribuable à la consommation de farine de blé contaminée par des graines d’aristoloche. L’acide aristolochique entre également dans la composition de remèdes à base de plantes utilisés dans certaines régions d’Asie.

« Même si l’étude ne comptait que 14 patients de la Roumanie, le schéma de mutation particulier a été observé chez 12 d’entre eux. C’est pourquoi nous analyserons des échantillons prélevés chez un plus grand nombre de patients de la Roumanie et d’ailleurs dans la région des Balkans dans le cadre d’une étude de suivi que nous avons amorcée afin d’évaluer l’étendue de l’exposition », précise le professeur Mark Lathrop, directeur scientifique du Centre d’innovation Génome Québec – Université McGill, qui a dirigé l’étude.

Les résultats plus généraux publiés aujourd’hui confirment également qu’une certaine voie de signalisation, appelée PI3K/mTOR, est significativement déréglée en présence de cancer du rein. L’étude révèle en outre qu’une voie connectée, appelée adhésion focale, est touchée par des aberrations moléculaires chez de nombreux patients. « Cette découverte vient s’ajouter au corpus de données probantes indiquant que les traitements ciblés pour la voie de signalisation PI3K/mTOR pourraient se révéler efficaces pour la prise en charge du cancer du rein, et pourraient également aider les patients présentant des anomalies de l’adhésion focale », affirme le professeur Riazalhosseini.

Cette étude a été réalisée dans le cadre du programme Cancer Genomics of the Kidney (CAGEKID) de l’International Cancer Genome Consortium. Le programme CAGEKID est dirigé par Mark Lathrop, et les institutions ayant collaboré à l’étude comprennent le Centre international de Recherche sur le Cancer et le Centre National de Génotypage, en France, le Cancer Research UK, l’Hôpital universitaire de St James, à Leeds, et l’Institut européen de bio-informatique, au Royaume-Uni.

« La force de notre projet de séquençage tumoral repose sur le fait que les échantillons proviennent de plusieurs pays, lesquels peuvent présenter des différences de facteurs de risque », affirme Ghislaine Scelo de l’Agence internationale de recherche sur le cancer. « Notre étude démontre que le séquençage massif des tumeurs peut aboutir à l’implication de facteurs environnementaux jusque-là insoupçonnés.»

Cette étude a été financée par le programme EU FP7, Génome Québec, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie du Québec, et l’Université McGill.

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Variation in genomic landscape of clear cell renal cell carcinoma across Europe, par Scelo, Riazalhosseini, et coll., publié dans Nature Communications le 29 octobre 2014.
DOI : 10.1038/ncomms6135

 

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