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La détection d’ondes gravitationnelles la plus récente ouvre une ère nouvelle en astronomie

La fusion d’étoiles à neutrons pourrait clarifier l’origine des éléments lourds de l’Univers
Publié: 16 October 2017

La découverte d’une onde gravitationnelle provoquée par la fusion de deux étoiles à neutrons, annoncée aujourd’hui par une collaboration de scientifiques du monde entier, ouvre une ère nouvelle en astronomie. C’est, en effet, la première fois que des chercheurs peuvent observer un événement cosmique dans le domaine tant des ondes lumineuses – la base de l’astronomie traditionnelle – que des ondes gravitationnelles, ces déformations de l’espace-temps prédites il y a un siècle par Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale.

La découverte a été faite à l’aide de l’observatoire d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory – LIGO), situé aux États-Unis, du détecteur Virgo, situé en Europe, et de quelque 70 observatoires terrestres et spatiaux. La première détection des ondes gravitationnelles, réalisée en 2015, a valu aux pères du LIGO le prix Nobel de physique 2017; dans ce cas, les chercheurs ont déterminé que les ondes avaient été déclenchées par une collision de trous noirs, événement qui ne devrait pas émettre de lumière.

La découverte, mettant en scène des étoiles à neutrons, « permet de lier cette source d’ondes gravitationnelles à tout le reste de l’astrophysique : étoiles, galaxies, explosions, trous noirs massifs et, bien sûr, fusions d’étoiles à neutrons », explique Daryl Haggard, astrophysicienne de l’Université McGill qui a dirigé l’une des nombreuses équipes de scientifiques affiliés des quatre coins du monde ayant examiné la source de ce nouveau signal d’onde gravitationnelle. « C’est un niveau de connaissance entièrement nouveau. »

Un nouveau regard sur les sursauts de rayons gamma

La Pre Haggard ainsi que Melania Nynka et John J. Ruan, chercheurs postdoctoraux à McGill, sont les auteurs principaux d’un article publié dans la revue Astrophysical Journal Letters qui expose les observations de l’équipe, obtenues à l’aide du télescope spatial à rayons X Chandra de la NASA, en provenance de la source de l’onde gravitationnelle qui a atteint la Terre le 17 août dernier.

Ces observations confirment que la collision des deux étoiles à neutrons – qui comptent parmi les objets les plus denses de l’Univers – a également déclenché un violent jet de plasma chaud, connu sous le nom de sursaut gamma, dans une galaxie située à environ 138 millions d’années-lumière de la Terre. De plus, l’équipe a déterminé que l’explosion est la première que les astronomes ont observée « hors axe », c’est-à-dire non pointée vers la Terre, perspective qui pourrait permettre aux scientifiques de mieux comprendre comment ces puissantes explosions affectent leur environnement.

« Les sursauts de rayons gamma les plus faciles à détecter sont ceux dont les jets d’émission lumineuse sont pointés vers la Terre », explique Melania Nynka. « Il est plus facile de voir un projecteur lorsqu’il brille directement sur vous, mais parfois la lumière peut être trop intense et vous empêcher de distinguer tous les détails. Quand la lumière est pointée un peu sur le côté, comme dans ce cas, cela nous donne un point de vue différent. »

Les étoiles à neutrons, formées lorsque des étoiles massives explosent sous la forme de supernovas, sont très denses. Leur masse de deux à trois fois celle de notre soleil est compactée dans un objet dont la taille est celle d’une ville comme Boston ou Montréal. Une cuillère à café de matériau d’une étoile à neutrons a une masse d’environ un milliard de tonnes.

« Nous avions déjà pensé que la collision de deux étoiles à neutrons pourrait produire un sursaut de rayons gamma », dit Daryl Haggard. « La détection d’ondes gravitationnelles combinée aux données que nous recueillons au moyen d’observatoires comme Chandra confirme la prédiction. »

 NASA/CXC/McGill University/D. Haggard et al; Optical: NASA/STScI

Sonder les origines des éléments lourds

On pense que les fusions d’étoiles à neutrons sont responsables de la production de la plupart des éléments lourds de l’Univers, comme l’or, le platine et l’argent. L’étude plus approfondie de ces collisions pourrait aider les scientifiques à déterminer l’origine de ces éléments, qui représentent près de la moitié du tableau périodique. Déjà, des observations complémentaires faites à l’aide de télescopes dans le monde entier ont révélé des signatures de matériaux récemment synthétisés, notamment l’or et le platine.

Le signal gravitationnel, appelé GW170817, a été capté pour la première fois le matin du 17 août par les deux détecteurs LIGO identiques, situés à Hanford, dans l’État de Washington, et à Livingston, en Louisiane. Les informations fournies par le troisième détecteur, Virgo, situé près de Pise, en Italie, ont contribué à préciser la position de l’événement cosmique. À peu près au même moment, le télescope spatial Fermi de la NASA avait détecté une explosion de rayons gamma. Le logiciel d’analyse LIGO-Virgo a mis les deux signaux ensemble et a vu qu’il était fort peu probable qu’il s’agisse d’une coïncidence. La détection rapide des ondes gravitationnelles par l’équipe LIGO-Virgo, associée à la détection des rayons gamma par Fermi, a déclenché une campagne d’observations complémentaires à l’aide de télescopes du monde entier, y compris Chandra.

« Les rayons X émis par cette fusion étaient très faibles au début, mais sont devenus soudainement plus intenses environ 10 jours plus tard », dit John Ruan, boursier postdoctoral au sein du groupe de chercheurs de la Pre Haggard, à l’Institut spatial de McGill. « Ce fut tout à fait inattendu, et notre modélisation a montré que ce comportement est dû au fait que le jet du sursaut de rayons gamma était ‘hors axe’ – non pointé vers la Terre – un phénomène que nous n’avions pas vu auparavant. »

Dans les semaines et les mois à venir, les télescopes continueront d’observer la fusion de ces étoiles à neutrons et de recueillir des données sur les différentes étapes de la fusion, son interaction avec son environnement et les processus qui produisent les éléments les plus lourds de l’Univers.

« Il s'agit d'une révolution en astronomie», affirme Vicky Kalogera, astrophysicienne de l'Université Northwestern et co-auteur de l'article de McGill. «Jamais nous n'avions autant d'astronomes ni autant d'instruments étudiant une seule source pour résoudre plusieurs mystères en un seul coup. »

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L’observatoire LIGO est financé par la National Science Foundation (NSF) et exploité par l’Institut Caltech ainsi que le MIT, qui l’ont conçu et ont dirigé le Projet initial, puis le Projet avancé. Le Projet avancé a été financé par la NSF en collaboration avec l’Allemagne (Société Max-Planck), le Royaume-Uni (Science and Technology Facilities Council) et l’Australie (Australian Research Council), qui y ont grandement contribué de diverses manières.

Plus de 1 200 scientifiques et quelque 100 institutions du monde entier font partie de la Collaboration scientifique LIGO, qui comprend la Collaboration GEO et la collaboration australienne OzGrav. La liste complète des partenaires se trouve à http://ligo.org/partners.php.

La Collaboration Virgo réunit pour sa part plus de 280 physiciens et ingénieurs provenant de 20 groupes de recherche européens : six du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) (France), huit de l’Istituto Nazionale di Fisica Nucleare (INFN) (Italie), deux du Nikhef (Pays-Bas), les groupes MTA Wigner RCP (Hongrie) et POLGRAW (Pologne), l’Université de Valence (Espagne) et EGO (European Gravitational Observatory), laboratoire qui héberge le détecteur Virgo, situé près de Pise, en Italie, et financé par le CNRS, l’lNFN et le Nikhef.

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L’étude dirigée par l’Université McGill a été financée en partie par le Chandra X-ray Observatory Center, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies.

L’article « A DEEP CHANDRA X-RAY STUDY OF NEUTRON STAR COALESCENCE GW170817 », par Daryl Haggard et coll., a été publié en ligne dans la revue Astrophysical Journal Letters le 16 octobre 2017.
doi : 10.3847/2041-8213/aa8ede
http://iopscience.iop.org/article/10.3847/2041-8213/aa8ede/meta

Personnes-ressources :

Daryl Haggard
Professeure adjointe de physique

Université McGill et Institut spatial de McGill
daryl.haggard [at] mcgill.ca
http://www.physics.mcgill.ca/~dhaggard/

Chris Chipello
Relations avec les médias
Université McGill
Tél. : 514 398-4201
christopher.chipello [at] mcgill.ca

 

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