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Déterrer l’histoire… pour mieux la partager

Publié: 7 December 2017

Par Jennifer Bracewell

Je pratique l’archéologie depuis dix ans, et je ne compte plus les fois où des gens m’ont parlé de leur fascination pour cette science ou m’ont dit qu’enfants, ils rêvaient d’être archéologues. Concrètement, toutefois, les sites archéologiques sont rarement accessibles au grand public. Aussi, lorsque la Ville de Montréal a décidé de créer un véritable site de fouilles et de l’ouvrir au public, j’ai sauté dans le train sans hésiter. La Maison Nivard-De Saint-Dizier se prêtait à merveille à ce projet : située dans un parc public de Verdun, tout près de la piste cyclable longeant le Saint-Laurent, elle fait partie du plus grand site archéologique préhistorique de l’île de Montréal et d’un site historique captivant. Investie d’une mission culturelle et éducative, l’équipe de la Maison Nivard-De Saint-Dizier a mis son savoir et ses ressources à notre disposition.

L’un des aspects les plus satisfaisants du programme de rayonnement était le sentiment qu’avaient les habitués du site de participer à l’histoire, voire un sentiment d’appartenance. Certaines personnes venaient régulièrement faire leur tour pour voir où nous en étions. D’autres nous apportaient de l’information et des photos personnelles sur l’histoire de Verdun, nous éclairant sur le développement de cet arrondissement. Un jour, un couple a frappé à la porte de notre roulotte en plein orage : c’était la seule journée où ils étaient en congé tous les deux, alors ils avaient décidé de braver le déluge pour venir voir le site! Les médias locaux nous ont interviewés, et nous avons eu droit à quelques articles de journaux et reportages à la radio; il y a même eu des reportages télé, en français et en anglais.

L’intérêt et la participation de personnes d’origine autochtone ont beaucoup ajouté au projet. On a parlé de nous au réseau APTN et dans le journal de Kahnawake, Iorì:wase. Charlie Patton, gardien de la foi de la Maison longue de la voie mohawk, a célébré une cérémonie sur le site en l’honneur des ancêtres; nos étudiants, la chef Christina Zachary-Deom et quelques visiteurs de la communauté y ont assisté. Au fil de nos échanges, nous avons découvert la vision du monde dans la culture haudenosaunee et avons jeté un regard complètement différent sur le passé.

Et que dire des enfants, qui sont venus nous visiter en très grand nombre avec leur camp de jour, des organismes communautaires ou leurs parents. Ils ont gratté la terre, à la recherche d’artéfacts qui auraient échappé à notre œil de lynx, et nettoyé des objets maculés de boue. Cette expérience n’aura peut-être pas fait naître des vocations d’archéologues, mais elle aura contribué à la préservation du patrimoine culturel en faisant de ces jeunes de futurs citoyens informés et engagés. Après tout, le désir de comprendre le passé n’est pas l’apanage des archéologues!

J’ai appris avec joie que la principale comptait créer un prix pour souligner le rayonnement en recherche. Il est gratifiant de savoir que l’Université reconnaît la valeur d’un projet qui interpelle le grand public, mais dans lequel les travaux avancent moins vite. Cette capacité de mobiliser les citoyens sera, je pense, importante pour l’avenir de l’archéologie. Je constate donc avec satisfaction que nos étudiants au premier cycle ont appris non seulement à dresser un profil de sol et à creuser un trou de poteau, mais également à nouer des liens avec les gens qui visitaient leur lieu de travail. J’ai décidé de réinvestir l’argent gagné dans mon travail en me procurant un nouveau portable et en participant à l’Atelier de cartographie des territoires autochtones, qui a eu lieu à Winnipeg, en novembre.

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